Puis la colère.
Je le savais que je n'aurais jamais dû réagir à chaud hier sur ce blog ! Je le savais !
Résultat, d'autres l'ont fait aussi. Et ils se sont bien lâchés.
Dans la cour d'une école, une école maternelle... devant des gamins de 3 à 6 ans, leur a été raconté l'irracontable. Qu'on avait fait du mal à des enfants et que c'est à cela qu'il fallait que les enfants pensent pendant que leur était demandé une minute de silence.
Parmi ces gamins chez qui dominait sûrement l'incompréhension, au pire l'angoisse, il y avait mes gamins. Deux petits gars de 4 ans, pour qui la mort se résume actuellement à un endroit qu'on appelle "le paradis" où se trouvent le chat de la voisine et le chien de leur nounou. En aucun cas des enfants, et surtout pas des enfants qu'on a tués. Parce que oui, apparemment les mots "enfants" et "tuer" ont été prononcés dans une même phrase à leur attention. Quand je suis rentrée hier soir, Zeus m'a demandé de m'asseoir, qu'il avait quelque chose de très important à me dire, qu'il fallait que je me taise et l'écoute, qu'on les avait réunis lui, son frère et ses petits camarades le matin dans le préau de l'école, qu'on leur avait demandé le silence et que la directrice, Madame X, avait pris la parole pour dire qu'un méchant monsieur était venu dans une école et avait fait du mal à des enfants. Que c'était très grave.
- "Je te jure Maman, c'est très grave ce qui est arrivé, il a fait du mal aux enfants. Il les a tués.", me répétait-il en boucle.
Devant mon embarras et mon hésitation à lui parler, il continuait : "Mais tu comprends Maman, c'est très grave. Il faut que tu comprennes. C'est vrai ce que je te raconte. Crois-moi ! C'est pas ma faute à moi, si le monsieur a fait du mal aux enfants.".
J'ai alors craqué :
- "Non Zeus, ce n'est pas ta faute. En aucun cas. C'est vrai, un monsieur a fait du mal à des enfants. Si j'ai du mal à t'en parler chéri, c'est que j'estime que c'est un problème de grands."
- "Non. Madame X elle a dit que c'était aussi notre problème."
Et là, à ce moment, je n'avais en tête qu'un certain nombre de jurons, mais je me suis ravisée en me disant qu'ils avaient déjà à gérer un traumatisme, que ce n'était pas la peine d'en rajouter.
Apollon enchaîna : "Maman, pourquoi le méchant monsieur il a tué des enfants ? Qu'est-ce qu'ils avaient fait ? Ils avaient été méchants ? Et nous, il va nous tuer ?". Je n'ai pas vraiment su quoi répondre à cette salve de questions si ce n'est : "Je ne sais pas.", "Non." et "NON !! Il ne va rien vous arriver. Jamais !". Mais à leurs moues dubitatives, je sentais bien que mon discours n'était pas à la hauteur de leurs attentes. Si j'avais pu seulement leur dire que je ne pouvais pas leur parler de ce drame, parce que moi-même, je ne le comprenais pas, que j'en étais encore complètement bouleversée. Comment avoir les mots justes avec des enfants de cet âge quand on n'arrive pas soi-même à mettre des mots sur ce qui vient de se passer ? En quoi cela regardait-il les enfants ? Pourquoi ordonner une minute de silence exclusivement dans les écoles ? Pourquoi ne pas plutôt le faire dans les rues, les bureaux, les lieux publics ? Somme toute ce drame nous concernait tous. Pourquoi mêler les enfants à cela ? Pourquoi le faire aussi rapidement, quasiment dans la précipitation ? Qu'est-ce qui était passé par la tête de la directrice de l'école de mes fils ce jour là pour qu'elle se plie à cette mise en scène ridicule alors qu'apparemment les écoles maternelles n'étaient pas concernées par cette directive ?
Françoise Dolto où es-tu ? Ils sont tous devenus fous !
Et là touchée par la grâce, j'ai sorti l'argument imparable qui stoppe net toute conversation chez un enfant de leur âge :"Et si on regardait un dessin animé ?".
Je pensais que Zeus et Apollon, l'œil torve et la bouche ouverte, tout à leur écran de télé en avaient fini de se tourmenter avec cette histoire, mais ils ont vite remis le couvert à l'arrivée de leur père... Alors que nous croyions, le Père Minos et moi, avoir répondu le plus "softement" possible à leurs question et par conséquent calmé toutes leurs angoisses, Apollon m'appela quelques minutes après son coucher. Ce gamin qui n'avait jamais eu peur d'hypothétiques monstres sous le lit ou de fantômes dans sa chambre me dit : "J'ai peur du monstre qui va venir me tuer."
La violence est bien entrée deux fois dans les écoles en l'espace de 48 heures. La première fois quand ont été tués, dans la leur, trois enfants et un père de famille. La deuxième quand, dans le préau de nombreuses écoles, ce fait inouï et atroce a été volontairement et sur directive du ministère de l'Éducation nationale rapporté à mes enfants, vos enfants, nos enfants, pour certains trop jeunes pour le recevoir, l'intégrer et le comprendre.